Depuis 2007, les PEP 06 ont mis en place le service des AESH (Accompagnants d’Elèves en Situation de Handicap) afin d’accompagner les élèves en situation de handicap qui en auraient besoin. Pour en savoir plus sur cet accompagnement, j’ai discuté avec Vanessa Brignone.
Morgane Méplomb : Quel est votre travail ?
Vanessa Brignone : Je suis accompagnante pour élèves en situation de handicap. Les accompagnements varient selon les besoins de chaque élève. Par exemple, mon élève actuel est porteur de troubles du spectre autistique. Il a des difficultés sur le comportement donc j’essaie de lui donner un cadre, de l’accompagner sur les travaux qu’il effectue à l’école. Actuellement, il est en classe ULIS, il est en 6ème. Le but, c’est d’essayer de l’inclure le plus possible dans sa classe. C’est parfois compliqué. Avant tout, on essaie de créer une relation de confiance, d’essayer de le connaître au maximum. […]
M.M. : Vous ne les voyez qu’en collège ? Vous n’en voyez pas en primaire ou en lycée ?
V.B. : Ça peut arriver selon les missions mais c’est vrai que depuis que je suis chez les PEP06, j’ai essentiellement du collège et du lycée.
M.M. : Mais c’est possible de les voir dans toute la scolarité ?
V.B. : Ah oui, complètement ! Nous, du moins ici, ce sont généralement des missions courtes. Il n’y a pas de suivi. Donc on peut les avoir dès la petite section, oui, mais ce sera de petits accompagnements. On ne les suit jamais sur un parcours scolaire long.
M.M. : Combien de temps vous les voyez, les enfants ?
V.B. : […] Ça dépend. Je fais partie de celles qui ont les missions les plus longues, parce que ça fait 4 mois. Mais c’est vraiment très rare. Généralement ce sont des remplacements d’une semaine, deux semaines, trois semaines… peut-être 1 mois. Moi, ça fait 4 mois que j’y suis. Ce n’est pas commun. Ce sont de petits remplacements, donc on ne voit pas vraiment l’évolution. On essaye d’arriver à comprendre le plus rapidement possible le fonctionnement de l’élève, on essaye d’avoir un bon feeling avec lui pour l’accompagner au mieux.
M.M. : Et là, vous diriez que ça se passe bien avec l’enfant que vous avez ? Ou c’est compliqué ?
V.B. : Bien sûr ! C’est complexe ! […] Mais l’école nous a beaucoup aidé, quand même. La formation que j’ai faite, durant 14 mois, m’a beaucoup aidé parce qu’on a revu toutes les pathologies qu’on rencontre généralement. Après, je pense que c’est vraiment le feeling. C’est le déclencheur qui va faire que la relation va se construire et qu’il va accepter ou pas votre aide. Ensuite, ce n’est pas faire à sa place, c’est l’amener au plus vers l’autonomie. C’est un accompagnement, une stimulation, une valorisation parce qu’on a affaire à des élèves qui se sous-estiment. Ils se dévalorisent en permanence… C’est un soutien moral, c’est un cadre, des limites… […]
M.M. : Pourquoi avez-vous décidé de faire ça ?
V.B. : Pour moi, c’était comme une évidence, parce que j’ai toujours aimé l’aide humaine, pouvoir contribuer au bien-être de l’autre et l’amener à l’autonomie et à une certaine évolution. Je sais que je suis vraiment dans le secteur qui me permet de m’épanouir. J’ai trouvé ma voie professionnelle ! C’est vraiment très important. Et je pense que c’est un métier de cœur. […] On est obligé de faire ça avec amour ! Sinon ce n’est pas possible. Après, ça fait écho aussi à un parcours de vie ! […] On ne finit pas là par hasard. […] On va apprendre beaucoup à l’école sur tout ce qui est psychologique. Sur des postures à avoir, sur des façons de s’adapter à l’autre… Et tout ce qu’on apprend pour nos élèves et dans nos accompagnements, on le met en pratique dans nos vies personnelles, c’est porteur pour nous aussi ! […] Moi, je sais que je suis quelqu’un de vif, de réactif, de sanguin. Et je sais que ça m’a beaucoup tempérée. […]
M.M. : Ça demande un travail sur soi.
V.B. : Evidemment ! […] J’ai évolué, je me tempère plus, et je me connais mieux, parce que je gère mes émotions et mes réactions, mais sans être frustrée derrière. […] Après, on n’a pas de continuité, on n’a pas de vue sur leur avenir… Il ne faut pas être frustré de ne pas savoir ce que va devenir notre accompagnement. […] Il faut le transformer en une manière de faire : donner le meilleur de soi-même. Quoi qu’il arrive, chaque jour, sois juste la meilleure version de toi-même, pour pouvoir l’accompagner au mieux. […] Je me dis « j’espère que ça portera ses fruits », c’est ce que j’espère à chaque fois. Après, on le voit sur le retour qu’on a sur l’instant. On se nourrit de ça, pour ne pas être frustrés.
M.M. : Et les enfants que vous voyez, ça peut être quel genre de handicap ?
V.B. : Il y a tous les handicaps, ça peut être tout ce qui est « dys » : dyslexie, dysgraphie… On a les pathologies comme les troubles du spectre autistique… Il y a les handicaps physiques, handicaps moteurs, des retards intellectuels… C’est vraiment large. […] Moi, c’est un accompagnement sur toute la journée. Lui, il me dit « tu me saoules, t’es toujours collée ! ». Et ça l’énerve parce que je le reprends, parce qu’il sait qu’il n’a pas le droit de faire certaines choses. Parfois, on a affaire à de grosses colères. De grosses violences physiques, aussi. Mais il ne faut pas en avoir peur non plus. Parce que s’il sent que vous avez peur, c’est foutu. […]
M.M. : C’est impressionnant ?
V.B. : Oui, c’est impressionnant ! Le plus impressionnant, je pense, c’est la première fois. Parce qu’on ne s’y attend pas. Et on ne sait pas de quoi ils sont capables. C’est là qu’on voit comment on réagit. Parce qu’il faut gérer le fait d’être surpris, le fait de ne pas avoir peur… […] Après on a des bleus, mais ça s’en ira ça, ce n’est pas grave. Ou on se démet une épaule, certaines fois… Ça m’est arrivé ! Mais voilà, je préfère ça, que de me dire que je n’ai pas réagi et qu’il aurait pu se passer quelque chose de plus grave. […] Là, en 4 mois, ça arrive très souvent. Mais il y a tout qui rentre en ligne de compte. […] Je sais que ça fait partie de sa pathologie, je sais que sa violence n’est pas dirigée vers moi. Ça vous amène à le prendre d’une toute autre façon. Et c’est important ! […] Après il va me crier dessus parce que je vais « le saouler », parce que je n’ai pas à m’en mêler. Mais il sait que je suis là pour lui. Il sait que je ne suis pas là pour lui casser les pieds. D’où l’importance du feeling et de la relation de confiance. S’il n’y a pas ça, c’est foutu. Parce qu’il ne va pas le prendre dans le bon sens. […] Il y a tellement de choses, de paramètres à prendre en compte, que c’est vraiment au feeling et surtout à l’observation. Parce que si je le regarde mais qu’en fin de compte je ne le regarde pas, je suis ailleurs, ce n’est pas possible. Je sais que quand je suis au travail, je suis là, j’entends tout et je vois tout. […] Si je n’ai pas ça … Il y a trop d’informations même non-verbales qui vont passer et qui vont me manquer, pour savoir réagir. Ça aussi ! On a beaucoup appris dans la formation sur la communication non-verbale. On émet tellement de choses sans parler, ce sont vraiment des informations importantes qui disent plus que l’oral. […]
M.M. : Dans la formation, qu’est-ce que vous avez appris ? Vous parliez des différentes pathologies possibles, de la communication non-verbale, ensuite qu’est-ce qu’il y a d’important ?
V.B. : On a eu des intervenants différents sur l’inclusion, […] comment s’établit un projet personnalisé de scolarisation, […] les lois … […] Comment placer un usager au centre de son dispositif, pour qu’il soit acteur de sa vie. Et c’est important ! Je suis handicapée donc ma vie est toute tracée ?! On sait à ma place que je vais aller dans tel institut et qu’après cet âge-là, je vais aller dans tel institut ?! C’est pour ça que le fait de les remettre au centre de leur dispositif, sur des objectifs bien précis, sur leurs envies, sur leurs capacités, leurs compétences, c’est super important. […] Handicapée ou pas, on reste une personne à part entière et on a le droit d’avoir une vie remplie de surprises, avec des choix, en étant accompagnée et en étant heureuse. Je pense que notre rôle est là aussi. Il est d’être le plus dans la proximité pour savoir qu’elles sont leurs réelles ressources, leurs envies, ce qu’ils aiment, leurs hobbies, leurs souhaits, comment ils voient leur avenir… Comme tout le monde, en fait ! Et pas réduire la personne à un handicap. C’est à l’environnement de s’adapter à lui et pas à lui de s’adapter à l’environnement. On nous apprend sur la psychologie, tout ce qui est pathologie psychiatrique. […] On voit un petit peu quels sont les troubles qui ressortent le plus pour telle et telle pathologie. […] Sur les postures aussi, quand on a affaire à des handicaps moteurs. […] Parce que, quand vous ne connaissez pas les manipulations, la première chose que vous faîtes, c’est vous casser le dos. Ils sont lourds si on n’a pas la bonne posture ! On risque de lui faire mal et on risque de se faire mal aussi ! Donc on nous apprend tout ce qui est gestes et postures. […] Sur la nourriture, tout ce qui est mixé, non mixé, en morceaux… […] On est dans la bienveillance, dans l’écoute. […] Accompagnante Educatif et Social c’est vraiment ce côté social pour essayer de les inclure au plus dans toutes les démarches et dans un futur avenir où ils pourront être le plus à l’aise possible. On donne le mieux qu’on peut sur l’instant, avec qui que ce soit.
M.M. : C’est un beau travail !
V.B. : Oui ! Je suis bien, je suis heureuse dans ce que je fais. C’est important, vraiment.