LUMIERE SUR le Centre de Santé Rossetti spécialisé handicap des PEP 06

Le Centre de Santé Rossetti spécialisé handicap, est un établissement des PEP 06 dirigé par le Docteur Jean-Pierre Flambart. Pour connaître cet établissement, je suis allée voir Stéphanie Audoin qui y travaille depuis 2010.

Morgane Méplomb : Qu’est-ce que tu fais, comme métier ?

Stéphanie Audoin : Je suis secrétaire, assistante médico-sociale au sein du centre de santé Rossetti. Essentiellement, j’ai démarré par les consultations du docteur Flambart et l’analyse de la marche … et occasionnellement secrétaire du professeur Griffet, une fois par mois. S’est ajouté, la radiologie EOS, et au fil des années la rééducation, … il n’y a pas si longtemps que ça, […] l’Handiconsult. […] Il y a des médecins MPR (Médecine Physique et Réadaptation), pédiatres, pédopsychiatres, gynécologues, ophtalmologues, ORL, généralistes… 1 fois par mois voire 2. Il y a l’algologue, aussi ! Donc je m’occupe de la plateforme Handiconsult, aussi.
Mais le plus gros du boulot, ici, c’est quand même la planification sur les programmes intensifs en rééducation puisque notre centre est un pôle … unique en France, au niveau appareillage, robotique pour la rééducation. On reçoit des familles de toute la France.
Il faut organiser ces consultations à la demande des familles, des essais sur nos machines et puis si les essais sont concluants, un programme de rééducation intensif qui dure entre 4 et 6 semaines. […]

M.M. : L’équipe qui travaille ici, c’est une grande équipe ?

S.A : C’était une petite équipe quand j’ai commencé. Maintenant nous sommes effectivement une grande équipe. 11 médecins. […] et 5 kinésithérapeutes. Donc ça, c’est le plus gros à gérer. Il y a aussi l’analyse de la marche, on a deux ingénieurs. J’ai aussi l’activité radio à gérer. Et il y a 3 professeurs APA (Activités Physiques Adaptées). Et notre infirmière coordinatrice en Handiconsult. Donc ça fait quand même pas mal de personnes. On a démarré en 2010 on était peut-être 5. Maintenant on doit être une vingtaine.

M.M. : Et tu penses que ça va s’agrandir encore ?

S.A : Oui, parce qu’il y a le dentaire qui arrive […], un dentiste et une assistante dentaire. […]
Je sais qu’en Handiconsult, il est prévu aussi d’autres médecins : cardiologue, urologue, … […] Heureusement, ils ne consultent pas tous en même temps ! […] J’ai quand même beaucoup d’appels ou des demandes par mails pour Handiconsult. […]

M.M. : Est-ce que tu peux m’expliquer un peu Handiconsult ?

S.A. : Handiconsult c’est dédié aux personnes ne trouvant pas à se soigner dans d’autres structures. Surtout des personnes dyscommunicantes, comme les personnes autistes, comme les personnes trisomiques… Toutes ces personnes, dans l’enfance, sont quand même bien cadrées, bien suivies, mais quand elles sont adultes, si elles ne sont pas en foyer, il y a un lâcher dans les soins. […] Les libéraux n’ont pas le temps de les prendre en charge et ne veulent pas non plus parce que ce sont des pathologies qu’ils ne connaissent pas forcément. Ici, les médecins ont l’habitude de travailler avec le handicap. Et puis, notre temps à nous … c’est de prendre le temps ! Donc nos consultations durent au minimum 1 heure, voire plus s’il faut. On fait des visites blanches aussi. […] Un exemple, en ophtalmologie, une personne trisomique vient régulièrement avec son éducatrice et on lui fait visiter la salle d’ophtalmologie, on essaie de l’asseoir sur le fauteuil, de lui mettre le front contre l’appareil d’ophtalmologie, chose qui n’est pas facile à faire parce que, dès qu’elle voit la pièce elle ne veut pas entrer, elle dit non. […]

M.M. : Oui, il faut qu’elle s’habitue avant que vous puissiez faire le soin.

S.A. : Tout à fait.

M.M. : Au final, Handiconsult, c’est plus pour des adultes ou c’est vraiment pour tout le monde ?

S.A. : C’est dédié à toute personne, que ce soit adultes ou enfants. […]

M.M. : Et tout ce que vous faites, autre que Handiconsult, c’est dédié à qui ? C’est pour tout le monde aussi ?

S.A. : Non. C’est le polyhandicap essentiellement au Centre de Santé, sauf la radiologie. La radiologie EOS est destinée à toute personne, qu’elle soit porteuse de handicap ou pas. En revanche, il n’y a que 3 types de clichés, on ne peut pas faire du petit cliché. C’est-à-dire, on a mal au coude, on a mal à l’épaule, on a mal au genou, on ne vient pas faire un EOS pour ça. […] EOS, ce n’est que du grand cliché. Pour corps entier, demi corps. […] L’avantage d’EOS c’est que c’est 10 fois moins irradiant qu’une radio conventionnelle. […]

M.M. : Vous faites d’autres choses aussi ?

S.A. : Oui … L’analyse de la marche. […] C’est un tapis avec des capteurs et des caméras. C’est avec l’analyse de la marche qu’a ouvert le centre de santé […]. Elle est prescrite souvent par des chirurgiens pour éviter des multi chirurgies. […] Grâce à l’analyse de la marche, on peut s’occuper en une seule intervention tous les défauts de l’enfant.
Mais il n’y a pas qu’au niveau chirurgical, ici on voit des enfants et des adultes pour la toxine botulinique …

M.M. : C’est quoi ? S.A. : La plupart des personnes en situation de handicap ont de la spasticité, de la raideur des muscles, dans les membres inférieurs, dans les membres supérieurs, tout dépend leur atteinte cérébrale. On leur injecte cette toxine qui détend le muscle et ce qui fait que, la spasticité, soit il n’y en a plus soit elle est moindre. Du coup, la marche est beaucoup plus fluide, ou le membre supérieur est beaucoup fluide. Donc il peut attraper une tasse, attraper une cuillère, alors que, si le membre est tout le temps rétracté… […]
En rééducation, on a le GRAIL […] C’est de la rééducation en immersion virtuelle, sur un tapis de marche multidirectionnel et avec un écran à 180°. L’ingénieur qui est dessus fabrique, invente des jeux en fonction de ce que demande le thérapeute : sur ce patient, il faut travailler le shoot, par exemple, pour dérouler le pas ou le lever de jambes… Donc, Julien, l’ingénieur actuel sur le GRAIL, va développer un jeu… Un exemple : un terrain de foot avec un but et l’enfant tire dans le ballon. On leur met des capteurs sur les jambes et il voit son lancer de ballon à l’écran. C’est très ludique. C’est la WII mais en 4 fois plus moderne… Et ça permet de travailler aussi la statique. Pour une personne âgée, par exemple, qui appréhende la foule et qui a des problèmes de stabilité, on peut créer un supermarché, sur le tapis, elle avance et à l’écran, elle est dans un rayon, en train de faire ses courses. […]
On a le robot de marche, de la marque Lokomat. Le robot de marche, nous sommes le seul centre pédiatrique en France à l’avoir. […] Il est révolutionnaire chez les familles. Dans le monde médical aussi, évidemment ! […] On a vu des enfants qui marchaient peu, et qui marchent aujourd’hui soit avec une aide technique, soit qui arrivent à se lâcher sur une petite distance. On avait une kiné ici […] et un pédopsychiatre […], pendant 2ans ils ont travaillé sur des dessins… En fait, le robot de marche, il y a la marche, effectivement, mais il y a aussi tout le schéma corporel de l’enfant. L’enfant ne se rendait pas compte qu’il avait des jambes… Il ne se rendait pas compte qu’il avait un buste, qu’il avait des mains aussi pour se tenir. Sur les dessins, souvent, l’enfant se dessinait une tête, un tronc puis il oubliait peut-être de dessiner ses mains ou ses jambes. Après les 16 séances de Lokomat, la transformation était flagrante sur le dessin. L’enfant arrivait à se dessiner un bonhomme avec des bras, des jambes, une tête, un corps … […]
On a de la rééducation classique et  il y a le service des APA (Activités Physiques Adaptées). [Voir article du 3/02/2020]
Voilà, tu sais tout sur le centre ! […]

Lumière sur le service AESH

Depuis 2007, les PEP 06 ont mis en place le service des AESH (Accompagnants d’Elèves en Situation de Handicap) afin d’accompagner les élèves en situation de handicap qui en auraient besoin. Pour en savoir plus sur cet accompagnement, j’ai discuté avec Vanessa Brignone.

Morgane Méplomb : Quel est votre travail ?

Vanessa Brignone : Je suis accompagnante pour élèves en situation de handicap. Les accompagnements varient selon les besoins de chaque élève. Par exemple, mon élève actuel est porteur de troubles du spectre autistique. Il a des difficultés sur le comportement donc j’essaie de lui donner un cadre, de l’accompagner sur les travaux qu’il effectue à l’école. Actuellement, il est en classe ULIS, il est en 6ème. Le but, c’est d’essayer de l’inclure le plus possible dans sa classe. C’est parfois compliqué. Avant tout, on essaie de créer une relation de confiance, d’essayer de le connaître au maximum. […]

M.M. : Vous ne les voyez qu’en collège ? Vous n’en voyez pas en primaire ou en lycée ?

V.B. : Ça peut arriver selon les missions mais c’est vrai que depuis que je suis chez les PEP06, j’ai essentiellement du collège et du lycée.

M.M. : Mais c’est possible de les voir dans toute la scolarité ?

V.B. : Ah oui, complètement ! Nous, du moins ici, ce sont généralement des missions courtes. Il n’y a pas de suivi. Donc on peut les avoir dès la petite section, oui, mais ce sera de petits accompagnements. On ne les suit jamais sur un parcours scolaire long.

M.M. : Combien de temps vous les voyez, les enfants ?

V.B. : […] Ça dépend. Je fais partie de celles qui ont les missions les plus longues, parce que ça fait 4 mois. Mais c’est vraiment très rare. Généralement ce sont des remplacements d’une semaine, deux semaines, trois semaines… peut-être 1 mois. Moi, ça fait 4 mois que j’y suis. Ce n’est pas commun. Ce sont de petits remplacements, donc on ne voit pas vraiment l’évolution. On essaye d’arriver à comprendre le plus rapidement possible le fonctionnement de l’élève, on essaye d’avoir un bon feeling avec lui pour l’accompagner au mieux.

M.M. : Et là, vous diriez que ça se passe bien avec l’enfant que vous avez ? Ou c’est compliqué ?

V.B. : Bien sûr ! C’est complexe ! […] Mais l’école nous a beaucoup aidé, quand même. La formation que j’ai faite, durant 14 mois, m’a beaucoup aidé parce qu’on a revu toutes les pathologies qu’on rencontre généralement. Après, je pense que c’est vraiment le feeling. C’est le déclencheur qui va faire que la relation va se construire et qu’il va accepter ou pas votre aide. Ensuite, ce n’est pas faire à sa place, c’est l’amener au plus vers l’autonomie. C’est un accompagnement, une stimulation, une valorisation parce qu’on a affaire à des élèves qui se sous-estiment. Ils se dévalorisent en permanence… C’est un soutien moral, c’est un cadre, des limites… […]

M.M. : Pourquoi avez-vous décidé de faire ça ?

V.B. : Pour moi, c’était comme une évidence, parce que j’ai toujours aimé l’aide humaine, pouvoir contribuer au bien-être de l’autre et l’amener à l’autonomie et à une certaine évolution. Je sais que je suis vraiment dans le secteur qui me permet de m’épanouir. J’ai trouvé ma voie professionnelle ! C’est vraiment très important. Et je pense que c’est un métier de cœur. […] On est obligé de faire ça avec amour ! Sinon ce n’est pas possible. Après, ça fait écho aussi à un parcours de vie ! […] On ne finit pas là par hasard. […] On va apprendre beaucoup à l’école sur tout ce qui est psychologique. Sur des postures à avoir, sur des façons de s’adapter à l’autre… Et tout ce qu’on apprend pour nos élèves et dans nos accompagnements, on le met en pratique dans nos vies personnelles, c’est porteur pour nous aussi ! […] Moi, je sais que je suis quelqu’un de vif, de réactif, de sanguin. Et je sais que ça m’a beaucoup tempérée. […]

M.M. : Ça demande un travail sur soi.

V.B. : Evidemment ! […] J’ai évolué, je me tempère plus, et je me connais mieux, parce que je gère mes émotions et mes réactions, mais sans être frustrée derrière. […] Après, on n’a pas de continuité, on n’a pas de vue sur leur avenir… Il ne faut pas être frustré de ne pas savoir ce que va devenir notre accompagnement. […] Il faut le transformer en une manière de faire : donner le meilleur de soi-même. Quoi qu’il arrive, chaque jour, sois juste la meilleure version de toi-même, pour pouvoir l’accompagner au mieux. […] Je me dis « j’espère que ça portera ses fruits », c’est ce que j’espère à chaque fois. Après, on le voit sur le retour qu’on a sur l’instant. On se nourrit de ça, pour ne pas être frustrés.

M.M. : Et les enfants que vous voyez, ça peut être quel genre de handicap ?

V.B. :  Il y a tous les handicaps, ça peut être tout ce qui est « dys » : dyslexie, dysgraphie… On a les pathologies comme les troubles du spectre autistique… Il y a les handicaps physiques, handicaps moteurs, des retards intellectuels… C’est vraiment large. […] Moi, c’est un accompagnement sur toute la journée. Lui, il me dit « tu me saoules, t’es toujours collée ! ». Et ça l’énerve parce que je le reprends, parce qu’il sait qu’il n’a pas le droit de faire certaines choses. Parfois, on a affaire à de grosses colères. De grosses violences physiques, aussi. Mais il ne faut pas en avoir peur non plus. Parce que s’il sent que vous avez peur, c’est foutu. […]

M.M. : C’est impressionnant ?

V.B. : Oui, c’est impressionnant ! Le plus impressionnant, je pense, c’est la première fois. Parce qu’on ne s’y attend pas. Et on ne sait pas de quoi ils sont capables. C’est là qu’on voit comment on réagit. Parce qu’il faut gérer le fait d’être surpris, le fait de ne pas avoir peur… […] Après on a des bleus, mais ça s’en ira ça, ce n’est pas grave. Ou on se démet une épaule, certaines fois… Ça m’est arrivé ! Mais voilà, je préfère ça, que de me dire que je n’ai pas réagi et qu’il aurait pu se passer quelque chose de plus grave. […] Là, en 4 mois, ça arrive très souvent. Mais il y a tout qui rentre en ligne de compte. […] Je sais que ça fait partie de sa pathologie, je sais que sa violence n’est pas dirigée vers moi. Ça vous amène à le prendre d’une toute autre façon. Et c’est important ! […] Après il va me crier dessus parce que je vais « le saouler », parce que je n’ai pas à m’en mêler. Mais il sait que je suis là pour lui. Il sait que je ne suis pas là pour lui casser les pieds. D’où l’importance du feeling et de la relation de confiance. S’il n’y a pas ça, c’est foutu. Parce qu’il ne va pas le prendre dans le bon sens. […] Il y a tellement de choses, de paramètres à prendre en compte, que c’est vraiment au feeling et surtout à l’observation. Parce que si je le regarde mais qu’en fin de compte je ne le regarde pas, je suis ailleurs, ce n’est pas possible. Je sais que quand je suis au travail, je suis là, j’entends tout et je vois tout. […] Si je n’ai pas ça … Il y a trop d’informations même non-verbales qui vont passer et qui vont me manquer, pour savoir réagir. Ça aussi ! On a beaucoup appris dans la formation sur la communication non-verbale. On émet tellement de choses sans parler, ce sont vraiment des informations importantes qui disent plus que l’oral. […]

M.M. : Dans la formation, qu’est-ce que vous avez appris ? Vous parliez des différentes pathologies possibles, de la communication non-verbale, ensuite qu’est-ce qu’il y a d’important ?

V.B. : On a eu des intervenants différents sur l’inclusion, […] comment s’établit un projet personnalisé de scolarisation, […] les lois … […] Comment placer un usager au centre de son dispositif, pour qu’il soit acteur de sa vie. Et c’est important ! Je suis handicapée donc ma vie est toute tracée ?! On sait à ma place que je vais aller dans tel institut et qu’après cet âge-là, je vais aller dans tel institut ?! C’est pour ça que le fait de les remettre au centre de leur dispositif, sur des objectifs bien précis, sur leurs envies, sur leurs capacités, leurs compétences, c’est super important. […] Handicapée ou pas, on reste une personne à part entière et on a le droit d’avoir une vie remplie de surprises, avec des choix, en étant accompagnée et en étant heureuse. Je pense que notre rôle est là aussi. Il est d’être le plus dans la proximité pour savoir qu’elles sont leurs réelles ressources, leurs envies, ce qu’ils aiment, leurs hobbies, leurs souhaits, comment ils voient leur avenir… Comme tout le monde, en fait ! Et pas réduire la personne à un handicap. C’est à l’environnement de s’adapter à lui et pas à lui de s’adapter à l’environnement. On nous apprend sur la psychologie, tout ce qui est pathologie psychiatrique. […] On voit un petit peu quels sont les troubles qui ressortent le plus pour telle et telle pathologie. […] Sur les postures aussi, quand on a affaire à des handicaps moteurs. […] Parce que, quand vous ne connaissez pas les manipulations, la première chose que vous faîtes, c’est vous casser le dos. Ils sont lourds si on n’a pas la bonne posture ! On risque de lui faire mal et on risque de se faire mal aussi ! Donc on nous apprend tout ce qui est gestes et postures. […] Sur la nourriture, tout ce qui est mixé, non mixé, en morceaux… […] On est dans la bienveillance, dans l’écoute. […] Accompagnante Educatif et Social c’est vraiment ce côté social pour essayer de les inclure au plus dans toutes les démarches et dans un futur avenir où ils pourront être le plus à l’aise possible. On donne le mieux qu’on peut sur l’instant, avec qui que ce soit.

M.M. : C’est un beau travail !

V.B. : Oui ! Je suis bien, je suis heureuse dans ce que je fais. C’est important, vraiment.

LUMIÈRE SUR le service EPCH

Le service EPCH (Evaluation Pour la Compensation du Handicap) des PEP 06 remplit une mission d’intérêt général, d’expertise et d’évaluation des besoins en compensation des personnes en situation de handicap moteur et/ou visuel, dans les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes et le Var. Pour plus d’informations, je suis allée à la rencontre de Marie Poncet et Magali Edwards.

Morgane Méplomb : Qui êtes-vous et que faites-vous ?

Marie Poncet : Je suis Marie Poncet, je suis ergothérapeute et j’ai une maîtrise en ergonomie, santé et sécurité au travail. Je suis sur le service EPCH depuis septembre 2012. […]

Magali Edwards : Moi c’est Magali Edwards, ergothérapeute. J’ai réintégré le service en juin 2017. Je l’avais quitté parce que je suis allée travailler à l’IEM Rossetti pendant 5 ans… […] Depuis que je suis arrivée ici, j’ai pu bénéficier d’une formation. J’ai fait un diplôme universitaire management ergonomique des postes de travail. Ça donne un titre de consultante ergonome.

M.P. : […] On intervient à différents stades du parcours professionnel d’une personne qui est reconnue travailleur handicapé. […] Aussi bien dans la recherche du projet professionnel, dans la validation d’un projet professionnel, dans le maintien en emploi dans une situation de travail identifiée, dans un projet de reconversion ou dans un projet de formation ou de reclassement, même en interne sur un autre poste. […]

M.E. : On va commencer par une évaluation des capacités fonctionnelles de la personne pour vraiment rechercher les possibilités et les limitations de la personne. Au niveau de ses habitudes, au niveau de ses tolérances, au niveau de sa fatigabilité.

M.P. : […] On « prend une photo » de la personne à un instant T avec ses possibilités, ce qu’elle a mis en place comme stratégie d’adaptation, comment elle gère son handicap, comment elle l’accepte… […] On l’évalue dans un environnement […] Ensuite, on a différents types d’aménagement. Aménagement technique, ça va être des lampes, des souris, des loupes… Ça   peut être organisationnel : adapter les horaires, par exemple. Si la personne a besoin le matin d’un certain temps pour se mettre en route, pour se préparer… plutôt que de lui demander de commencer à 7h30, elle va commencer à 9h, pour qu’elle ait le temps de se préparer sans se lever à 4h du matin. […] Et l’aide humaine, c’est : soit elle vient avec la personne sur son poste pour faire le travail avec elle, soit elle prend une partie du travail. Ça peut être quelqu’un qui est déjà en interne. […]

M.M. : Vous ne travaillez que sur prescription, qu’est-ce qu’elle vous dit ?

M.E. : La prescription nous dit de qui elle vient, le prescripteur, le nom de la personne, si elle est en poste, si elle est en formation… Quelle déficience : motrice ou visuelle, handicap associé. On ne sait pas automatiquement lesquels mais il peut y en avoir. Il y a un descriptif de la personne […] Ensuite, on contacte la personne pour un premier RDV. La rencontre peut se faire, soit sur notre site, si la personne n’est pas trop loin, au domicile de la personne, chez le prescripteur ou chez le prestataire si la personne n’est pas en poste. Mais si elle est en poste, ça se fait également sur le poste. […]

M.P. : […] Cet après-midi, je vois une personne qui est en emploi pour une évaluation de capacités. Je la rencontre ici. On va faire le point sur sa situation, par rapport à son poste de travail. On va essayer de déterminer les tâches qui sont problématiques et après j’irais la voir sur son poste, voir si on peut aménager certaines choses. Le rencontre ici est préférée… des fois on a besoin de rencontrer les personnes hors contexte professionnel aussi, pour avoir tous les tenants et les aboutissants pas forcément en lien avec le handicap. Ça peut être en lien avec le contexte professionnel, avec les conflits qu’il peut y avoir … […]

M.E. : La dernière fois, j’avais quelqu’un qui a un problème très important, elle a un œil qui ne se ferme pas complètement, du coup elle a une sécheresse oculaire très importante. A l’extérieur, elle pense à mettre ses gouttes qu’elle doit mettre toutes les heures. Au travail elle ne le fait pas. Elle ne le fait pas parce qu’il y a le travail, elle ne le fait pas par rapport au regard des autres … Et aussi par rapport à l’employeur. Le fait que nous, on le note dans son organisation, elle va pouvoir prendre ce temps pour mettre ses gouttes. […]

M.P. : On peut aussi intervenir sur des situations de rupture. C’est-à-dire qu’il y a un risque que la personne soit licenciée pour inaptitude, elle ne peut plus occuper son poste d’un point de vue médical. S’il y a un conflit qui s’est installé parce qu’il y a une incompréhension de l’employeur par rapport au handicap, on peut intervenir en sensibilisation du collectif ou de la hiérarchie sur le handicap de la personne. On fait des petites sessions, on présente un peu la personne, ses capacités, ses incapacités, comment elle peut compenser et on échange, on fait un débat autour de cette situation pour essayer de faire comprendre le handicap à toutes les personnes. On peut intervenir aussi pour voir si tout a été envisagé au niveau moyens de compensation avant d’envisager un licenciement. Mais il faut qu’on intervienne rapidement. […]

M.E. : Les personnes, quand on va les voir, il y en a qui sont vraiment contentes, mais on va dire que, pour la plupart, elles sont prudentes… elles ont peur. […] Ces personnes peuvent avoir un handicap qui ne se voit pas, on l’appelle le handicap invisible. Et la remarque qu’on a souvent c’est « les gens me voient et ils me disent que j’abuse, que je n’ai rien. » […]

M.M. : Les personnes que vous suivez, vous les suivez combien de temps ?

M.P. : Ça dépend. Il y a des personnes qu’on voit une seule fois. […] Mais ça peut être beaucoup plus long. Une personne qu’on voit 7/8 fois. Mais ce n’est pas le plus courant. […] En théorie, on a 6 mois pour faire une prestation, entre le premier entretien avec la personne et la délivrance du bilan. […] On peut intervenir avec les prescripteurs directement, sur nos situations. […] On peut intervenir aussi avec d’autres prestataires. Nous, on fait la déficience motrice, déficience visuelle. […] Mais il y a la déficience auditive, cognitive, mentale, psychique… […] On peut intervenir aussi avec d’autres ergothérapeutes. Avec les médecins du travail, ça m’est arrivé dans certaines situations. C’est bien parce qu’il y a la partie médicale pour les aptitudes et la partie fonctionnelle avec nous donc c’est intéressant. […]

M.E. : On prend en charge la personne dans sa globalité. […] C’est important ! La personne n’est pas qu’une main ou qu’un bras, c’est une personne !

M.P. : Tu ne peux pas juste regarder une pathologie. […]

M.E. : Ça ne nous intéresse pas, le nom de la pathologie. C’est vraiment la personne. Parce qu’il peut y avoir différentes conséquences en fonction de son environnement, son âge, son caractère. […] Des fois on oublie que le travail ce n’est pas qu’être au bureau. Le travail commence déjà à la maison. Quand la personne va devoir se lever le matin, va devoir s’habiller, va devoir se préparer et aller au travail. Au travail, ce n’est pas qu’être assis derrière son bureau, c’est aussi aller aux toilettes et manger. […] Une première évaluation en général, dure à peu près 2 heures. Ça peut être plus. […]

M.P. : […] Moi, de plus en plus, je fais l’évaluation de capacités sur 2 temps. Les gens … C’est dur pour eux ! Ça les fatigue ! […]

M.E. : Souvent, ils ne pensaient pas que ça serait aussi approfondi. Parce qu’on les fait se mobiliser, on les met en situation… […] Et 2h d’entretien, ça nous fatigue, nous, donc ça les fatigue aussi. Ça peut aussi entraîner du stress. La dernière fois, je suis arrivée, la personne était toute maquillée, elle avait même mis des petits talons. Elle a fini par me dire « Mais vous savez, c’est pour vous que j’ai fait ça ». Elle me dit « Ça fait des années que je ne me suis pas maquillée et des talons, je n’en mets pas, ça me fait mal au dos. » Elle était en stress de nous voir.
C’est dans les deux sens :  Il y a ceux qui peuvent faire et qui disent ne pas pouvoir. « Non, je ne peux pas rester assis », et ça fait 1h30 qu’ils sont assis en face de nous sans bouger.  Et il y a ceux qui ne peuvent pas faire et qui disent pouvoir. On commence à poser des questions, à discuter, et en fin de compte, de parler, ça peut être dur pour eux parce qu’ils se rendent compte qu’ils compensent toute la journée. Et que les difficultés, ils en ont, mais qu’ils ont appris à faire avec. […]

M.M. : C’est compliqué pour vous, personnellement, de voir ces personnes-là ? […]

M.E. : Ce n’est pas compliqué, ce n’est pas le terme que j’utiliserai. C’est sûr que c’est un travail où on ne se dit pas en rentrant le soir, je passe à autre chose. Il y a quand même une trace en nous. Parce qu’on est avec de la douleur, avec des difficultés des gens, avec de la souffrance, et ça, on ne peut pas dire je ferme ma porte quand je pars le soir, c’est fini, ça reste ici. […]

M.P. : Ce n’est pas tant compliqué, des fois c’est frustrant parce qu’on sait qu’on ne pourra pas faire plus. Malheureusement.

M.E. : Ça peut être énervant, fatiguant… Émotionnellement, aussi ! […] Heureusement, on est quand même deux et …

M.P. : On est une équipe soudée !

M.E. : Voilà ! Même si avec nos emplois du temps, on ne se voit pas tout le temps… On peut parler, on peut échanger sur nos situations et ça c’est important.  Travailler seul dans ce service serait compliqué. […] Le fait d’échanger, ça fait retomber la pression.

M.P. : On a de la chance de pouvoir le faire.

M.E. : On s’entend bien. C’est important.

M.P. : C’est très important.

LUMIÈRE SUR les Professeurs d’Activités Physiques Adaptés

Le Centre de Santé spécialisé handicap des PEP 06, met à disposition une équipe médicale et paramédicale spécialisée dans le handicap moteur via différents pôles : Handiconsult06, SOS prothèse et les consultations de Médecine Physique et Réadaptation, de chirurgie orthopédique, de gériatrie, de validation de fauteuil roulant électrique… J’ai voulu en savoir plus sur la rééducation au Centre de Santé. Cette partie est partagée entre le Lokomat (entraînement robotisé à la marche), le Grail (entraînement à la marche avec immersion en réalité virtuelle), l’ArmeoSpring Pediatric (orthèse mécanique pour les membres supérieurs), la kinésithérapie classique et les Activités Physiques Adaptées dites APA. Pour en savoir plus, je suis allée à la rencontre de Léa Calhan, professeur APA depuis mai 2017.

Morgane Méplomb : Quel est ton métier, Léa ?

Léa Calhan : Je travaille en tant que prof APA.

M.M. : Ça veut dire quoi travailler en tant que prof APA ?

L.C. : En tant que professeur d’activités physiques adaptées. En gros, je propose des activités physiques et sportives à des personnes avec des besoins spécifiques. […] En fait ce sont des personnes en situation de handicap. Le handicap ça peut aller de personnes âgées, personnes en situation d’obésité, à des enfants paralysés cérébraux ou … des personnes paraplégiques, des amputés … […] Ici on a un groupe avec des personnes âgées, et on a des enfants qui sont surtout paralysés cérébraux.

M.M. : Qu’est-ce que tu fais, par exemple ?

L.C. : Là je commence, de plus en plus, à avoir de la prise en charge. […] A la base, le plus gros de notre temps de travail c’était les analyses de la marche pour les personnes âgées dans le cadre de la prévention des risques de chute. Jusqu’à maintenant, je dirais 70% de mon temps de travail c’est l’analyse de la marche. […] Ce qui est totalement différent de ce que fait un prof APA « normal ». Normalement, un prof APA fait 100% de prise en charge. Nous, au Centre de Santé, on a surtout de l’analyse de la marche, on nous a formé à ça. Et c’est très intéressant, on apprend beaucoup sur les altérations de la marche qu’on peut retrouver dans nos prises en charge et donc mieux les comprendre et travailler dessus.
On a de plus en plus de patients, pour la prise en charge. Là, tu vois, j’ai au moins 2h de prise en charge par jour. Mais sinon, on se déplace dans les EHPAD. On y va 2 fois par semaine. Et on va faire des analyses de la marche. Et dans le cadre des appels à projets, c’est dans les vallées. La vallée de la Roya, de la Vésubie… […] Dans la vallée de la Vésubie, ils n’ont même pas accès au médecin ! Donc, dans le cadre des appels à projets, on est financés pour ça, pour aller faire des analyses de la marche. On met en place des ateliers pendant 5 à 7 semaines et on présente des personnes de là-bas, des acteurs locaux, pour que ça puisse se pérenniser. On a des bons retours ! Par exemple, dans la Vésubie, […]  on a fait ça dans une salle de sport […], du coup les profs ont ouverts des créneaux gym douce pour les personnes âgées.
[…] On se déplace une à deux fois par semaine. […] Quand on part la matinée, on fait à peu près 30 personnes et si on part la journée, on voit… entre 50 et 60 personnes. Et après, il faut tout traiter sur l’ordinateur et faire les comptes-rendus avec le médecin. […]
Sinon, pour la prise en charge des enfants l’activité varie, je peux faire une séance APA en salle, prendre l’enfant au Lokomat ou bien au Grail.

M.M. : A partir de quel âge tu les prends ?

L.C. : Les enfants ? […] En fait ça tourne autour du Lokomat surtout. Le Lokomat, il y a quand même des minimums et maximums, tu vois. On fait surtout par rapport à la taille du fémur, mais à peu près, on les prend à 4 ans.

M.M. : Oui, avant ils sont trop petits.

L.C. : Ils sont trop petits et ils ne rentrent pas dans le Lokomat. […]

M.M. : Et après, au plus âgé ?

L.C. : Et après, plus âgé… En fait, ça dépend. Moi j’ai des vieux, des petits vieux. Je crois que mon plus âgé, il a 85.

M.M. : Ah oui ! Tu les garde longtemps avec toi !

L.C. : Non, mais après ce n’est pas garder, c’est vraiment deux pôles différents. Il y a le pôle pédiatrie et les séniors.

M.M. : Et tu n’as pas de juste milieu.

L.C. : Ado, on n’en a pas trop. Et, normalement, on ne fait pas l’adulte, on fait surtout de la pédiatrie.

M.M. : Pourquoi ?

L.C. : Parce qu’ici, c’est l’orientation qu’ils ont voulu prendre au Centre de Santé, d’être un centre pédiatrique. On a un petit peu d’adultes, mais surtout sur les consultations, nous on ne les voit pas en rééducation, à part exception. On a surtout des enfants. Après, on va jusqu’aux jeunes adultes…[…] 22,23 ans […]. Et après le sénior, vraiment sénior, plus de 65 ans.

M.M. : Et c’est compliqué de travailler avec ces personnes ? Personnes qui ont un handicap, qui sont malades…

L.C. : Ça dépend sur qui tu tombes. […] En fait c’est compliqué parce que c’est pas du tout homogène. Tu peux tomber sur des cas complètement différents. Là c’est clairement le cas qu’on a eu avec deux enfants. Il n’y a qu’un an d’écart, 5 et 6 ans, et ce sont deux mondes différents. Il y en a une… elle était volontaire, elle bougeait partout, elle était pleine de vie, quoi ! Et la seconde, c’était plutôt, fallait tout lui faire. Deux tempéraments complètement différents. En fait c’est surtout ça, ce n’est pas qu’une histoire de handicap. C’est aussi une histoire de personnalité. […] Après c’est sûr que le handicap doit jouer sur la personnalité. Mais ce n’est pas le handicap qui est difficile, c’est est-ce qu’ils sont volontaires ? […] Et on voit le retour de notre travail directement sur les enfants. L’enfant pleine de vie a fait de très beaux progrès, l’autre c’était plus difficile et du coup tu as l’impression de dépenser énormément d’énergie mais que le patient n’est pas du tout réceptif, tu n’as pas de retour.

M.M. : Merci, Léa. Tu veux ajouter quelque chose ?

L.C. : Je suis très contente de travailler ici, c’est un très bon travail. Je suis contente de venir travailler le matin. […]